Je n’ai eu de cesse que de vouloir m’exprimer, communiquer et me sentir utile avec comme désir constant celui de progresser. Que ce soit dans ma vie d’artiste / enseignant et dans l’idée que j’avais de la danse-thérapie.
La création artistique m’a conduit aux médiations artistiques pendant de nombreuses années, l’enseignement artistique m’a fait me confronter à la psychanalyse.
"La psychanalyse commence là où l'enseignement finit." –Georg GARNER
Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi tel ou tel élève ne parvenait pas à réaliser ceci ou cela et ce, quelque soit la stratégie pédagogique que j’inventais. Quelque chose m’échappait dans la relation.
Tout comme dans la création, quelque chose finit toujours par nous échapper et il se produit quelque chose d’autre, dans un « ailleurs ». J’avais l’impression que ce qui échappait avait une raison d’être, et je faisais le pari – comme dans le processus de création – que ce qui échappait au Sujet avait un sens pour ce dernier.
Sans le savoir, le besoin de mettre des mots m’a fait passer de la danse au clown.
Je me suis alors découvert au prisme du regard du clown. Je passais du miroir des salles de danse, au miroir interne de mon clown. Pour cela, je jubilais avec l’imprévu – en me confrontant aux ratages.
Le clown m’a conduit à la psychanalyse : je découvrais un nouvel espace d'expression aussi surprenant que familier. C'était comme si pour la première fois, je découvrais de nouvelles frontières, un nouveau territoire avec la sensation étonnante de le connaître déjà.
La psychanalyse m’a permis de trouver ce que je cherchais à dire en vain sur scène : l’inconscient.
Depuis que je suis tout petit, je pratique la gymnastique, ce qui m’a permis de rebondir vers l’école de Cirque Annie Fratellini à Paris où je renoue mon amour pour la danse. À 21 ans, en allant au Centre National de la Danse pour trouver ce que j’allais pouvoir faire de tout ça, je découvre pour la première fois le terme de danse-thérapie.
En allant me renseigner pour la formation de danse-thérapie à la Schola Cantorum à Paris, je découvre la danse contemporaine. Je ne me sens pas à cette époque de m’engager ni dans une formation de danse-thérapie ni dans une danse académique - alors que j’ai besoin de gagner ma vie. Pourtant, depuis, cette notion de danse-thérapie ne me quittera plus.
Un an plus tard, j’ai la chance de rencontrer une art-thérapeute qui me propose d’être son assistant sur ses stages collectifs pendant une année scolaire. J’apprends à développer mon écoute et mon sens de l’observation et d'accompagnement tout en expérimentant par moment des temps créatifs. Ce moment est important car je me sens reconnu dans les aptitudes humaines à incarner ce métier. Je ne me sens pas encore prêt alors que je continue ma carrière artistique en diversifiant les champs d’expression (danse, chant, théâtre, mime, clown et acrobatie) et, au creux de mon intimité, je continue d’écrire de la poésie...
J’aime la scène, cela me valorise et en même temps je perçois assez tôt que la scène ne fera pas mon bonheur. Je me confronte à deux tristes constats : le premier est que je suis déçu de la qualité de mes échanges humains et plus tard aux choix artistiques souvent contraints de choix commerciaux.
C’est alors que j’ai la possibilité d’intervenir dans un cirque pour des ateliers auprès d’adolescents autistes. Je suis subjugué par la rencontre et découvre un univers qui me donne envie de m’investir tant il me dépasse.
Je me forme pendant deux ans en tant qu’accompagnant psycho-éducatif auprès de psychologues cliniciennes. J’accompagne des enfants, adolescents et adultes à leur domicile à travers des jeux éducatifs, en milieu scolaire et pré-professionnel et un projet artistique autour du conte "Pierre & le loup".
Je retrouve de l’enthousiasme ailleurs que sur scène. Ces rencontres sont capitales pour moi bien que je me retrouve dans un environnement qui ne me convenait pas. La thérapie comportementale et cognitive me pose des problèmes éthiques dans la façon dont j'imaginais à l'époque mon travail. Malgré cela, j’apprends beaucoup et comprends que je désire créer une association (loi 1901) pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap à travers une expression artistique adaptée.
C’est dans cette période que je découvre mes racines chorégraphiques par la rencontre d’une compagnie de danse butô (Sankaï Juku) que j’ai la chance de rencontrer. Grâce à cela, je trouve une formation en médiation artistique, sous la couverture de danse-thérapie, qui s’appuie sur cette technique. Je m’y consacre sur deux autres années dans la quête d’essayer de dire avec des gestes ce que je ne pouvais trouver en mots dans mon intimité.
À 26 ans, les bases fondatrices de l’association que je crée, anime et dirige, pendant un peu plus de dix ans, s’articulent autour de "danse-thérapies et médiations artistiques", du spectacle, de l’enseignement artistique (danse butô) et d'intervention artistique dans les écoles maternelles et primaires classées ZEP.

J'ai énormément appris dans cette période avec toute la diversité du public que j'ai eu la chance d'accompagner.
Je remarquais que chaque sujet avait des prédispositions à s'exprimer plus facilement d'une certaine manière plutôt qu'une autre. C'est là que j'ai découvert que chaque sujet avait un langage commun à sa culture et un "langage propre". C'est autour de cette idée que j'ai créé petit-à-petit les ateliers pluridisciplinaires afin de permettre à chacun.e d'articuler librement son langage autour du visuel, du sonore, du tactile ou du kinesthésique.
À 40 ans, et cinq mois après l’obtention de l’agrément de la DRAC pour l’ouverture de mon école de danse à Tourrette-Levens, la crise sanitaire débarque et me contraint de fermer administrativement mon école pendant le premier confinement.
C’est là que je comprends que l’école de danse était mon prétexte, peut-être même mon combat personnel, et qu’en vérité, mon vœu le plus cher est d’accueillir des Sujets au sein de mon cabinet de danse-thérapie. Comble de l'ironie, c'est mon cabinet qui restera ouvert pendant le confinement. Et ainsi, je réalisais que ma priorité n'était pas là où je l'avais pointée.
Lors de ma formation pour le D.E de danse contemporaine, je n’ai jamais été intéressé à « construire des corps », je n'ai jamais d'ailleurs vraiment adhéré à cette formulation. J'avais conscience que je bâtissais avec mes élèves les prémisses de leur conscience corporelle mais rien de plus.
Au cours de ma formation, j'ai eu la chance inestimable d'entendre une pensée :
« La posture est nichée dans l'imaginaire. » – Hubert GODARD
Cela a eu l'effet d'un déclic dans ma conception de la danse-thérapie, appuyée par mes expériences pédagogiques et artistiques. Avant le corps, il y a l'esprit et les deux trouvent un terrain d'entente, parfois entrent en conflit.
Ce qui m'a toujours animé, c'est de pouvoir imaginer apporter du soutien, une aide qui puisse soulager les personnes qui souffrent. L’accueil du Sujet de l’inconscient à travers une expérience poétique éphémère me permet cela.
C’est à ce moment-là que j'ai choisi de professionnaliser mon projet en suivant la formation de danse-thérapie par le filtre éthique de PROFAC - ce qui réussira à me donner les clefs pour trouver des mots pour mieux mi-dire comme le soutient Jacques Lacan.
Pour clore cette introduction, ce qui m’a conduit à l’artt-thérapie, c’est mon parcours tant personnel que professionnel, mon désir de créer un espace de sas et de dépôt, un rempart à la violence, pour des personnes fragilisées par une vie difficile, voire chaotique.
« Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. » – Ainsi parlait Zarathoustra de F. W. NIETZSCHE
Que cette étoile dansante soit pour moi cet espace à incarner au quotidien et, peut-être, par ce biais puisse devenir la poétisation d’un symptôme comme dit Jean-Pierre Royol ou toute autre chose qui permettra au Sujet, reçu en séance, de faire avec sa division - cause de souffrance.
Extrait de mon mémoire de danse-thérapie écrit en Novembre 2021 et soutenu en Décembre pour la certification d'art-thérapeute.
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